L’analyse
spectrale, la température et la composition chimique
En étudiant le
spectre de la lumière d’un corps céleste, les astronomes sont en mesure
d’apprendre beaucoup de choses sur ce corps. Le spectre d’un objet peut être
considéré comme une sorte de carte d’identité. En l’analysant avec précision,
on peut déterminer de nombreux paramètres comme la température, la composition
chimique ou la vitesse.
Température et
couleur
Commençons avec
le paramètre le plus important, la température. Imaginons par exemple le cas
d’un métal qui s’échauffe dans un four. Au début, lorsque le métal est à
quelques centaines de degrés, rien de spécial n’est visible à l’oeil nu.
ll est néanmoins possible de sentir la chaleur du métal en plaçant la main
à proximité. Cette sensation traduit le fait que le métal rayonne de la lumière
infrarouge invisible à l’oeil nu. Lorsque la température continue à
augmenter, le métal se met petit à petit à briller et à devenir incandescent.
Sa couleur change peu à peu, passe du rouge à l’orange puis au jaune.
La lumière qui
provient d’un corps dépend donc de sa température. A quelques centaines de
degrés un métal émet dans l’infrarouge, mais à 800 degrés il rayonne surtout
dans le rouge. Un filament d’ampoule en tungstène à 3000 degrés émet une
lumière blanche.
Le spectre
des corps noirs
L’étude du
spectre d’un objet quelconque nous permet, comme pour le métal, de
déterminer sa température. Ainsi, comme la surface du Soleil nous apparaît
blanche (en ignorant l’atmosphère terrestre qui la rend plutôt jaune), nous
pouvons dire que sa température est de l’ordre de 6000 degrés. La relation
entre température et longueur d’onde d’émission maximale a été établie en 1893
par Wilhelm Wien. Elle ne s’applique pas à tous les corps, mais uniquement à
une classe d’objets théoriques et parfaits appelés les corps noirs.
Heureusement, il
se trouve que les étoiles ont un comportement très semblable à celui des corps
noirs. L’étude de leur spectre nous permet donc de déterminer leur
température à distance. De manière plus générale, les objets solides, les
liquides et les gaz denses émettent un rayonnement continu qui obéit
relativement bien à la loi de Wien.
Ainsi, par
exemple, un nuage interstellaire froid de gaz et de poussières rayonne dans
l’infrarouge, le Soleil émet surtout dans la partie jaune du spectre visible et
le gaz d’un amas de galaxies, chauffé à plusieurs millions de degrés, produit
principalement des rayons X. Dans tous les cas, c’est l’observation du spectre
de ces objets qui nous a permit de déterminer leur température.
Le spectre d’un
corps noir (loi de Planck) dans une gamme de températures de 3500 à 5500
degrés. On voit clairement que la longueur d’onde du maximum d’émission devient
plus petite, donc se déplace vers le bleu, quand la température augmente (loi
de Wien). On remarque aussi que la luminosité totale s’accroît fortement
lorsque la température augmente (loi de Stefan-Boltzmann). Crédit : Wikimedia Commons
Les raies
spectrales
La situation est
différente lorsque l’objet étudié est un gaz peu dense. La découverte en fut
faite en 1814 par Joseph von Fraunhofer qui étudiait le spectre des couches
superficielles du Soleil. L’astronome, en observant le spectre avec une très
grande précision, se rendit compte que celui-ci n’était pas continu, mais
présentait une multitude de petites lignes obscures appelées des raies
spectrales. Ces lignes correspondaient à des longueurs d’onde qui, pour une
raison inconnue à l’époque, étaient absentes du rayonnement solaire.
L’explication de
ce mystère fut le fait de Robert Bunsen et de Gustav Kirchhoff. Ces deux
physiciens construisirent ensemble un spectroscope, c’est-à-dire un instrument
destiné à décomposer la lumière en ses diverses longueurs d’onde et à fortement
agrandir le spectre obtenu. Ils utilisèrent leur nouvel appareil pour étudier
le rayonnement de différents types de corps, en particulier des gaz.
Ils découvrirent
alors un phénomène très étrange. Le spectre d’un gaz chaud était formé d’un
ensemble de raies brillantes, appelées des raies d’émission, sans aucun fond
continu. De façon tout aussi mystérieuse, le spectre d’un corps noir, après
passage dans un gaz froid, était continu mais parsemé de raies obscures, des
raies d’absorption.
Bunsen et
Kirchhoff conclurent de leurs expériences que les constituants d’un gaz ne
pouvaient émettre ou absorber de la lumière que dans certaines longueurs d’onde
bien définies, contrairement à un corps noir. Lorsqu’ils observaient un gaz
chaud, le spectre était constitué de raies d’émission aux longueurs d’onde que
ces constituants pouvaient émettre. Lorsqu’ils observaient un gaz froid placé
devant un corps noir, les constituants du gaz absorbaient la lumière à ces
longueurs d’onde et provoquaient les raies d’absorption superposées au spectre
continu du corps noir.
Le spectre d’un
corps dans les trois cas de figure envisagés. A gauche, le spectre d’un solide,
d’un liquide ou d’un gaz très dense est continu. Au milieu, le spectre d’un gaz
froid placé devant une source continue fait apparaître des raies d’absorption.
A droite, le spectre d’un gaz chaud est formé de raies d’émissions (à la même
position que les raies d’absorption du milieu). Crédit : The
Pennsylvania State University
La composition
chimique
Bunsen et
Kirchhoff firent une découverte encore plus importante lorsqu’ils constatèrent
qu’à un gaz donné correspondait un ensemble bien défini de raies. Par exemple,
le gaz de sodium se caractérisait toujours par deux raies dans la partie jaune
du spectre visible.
Cette découverte
constituait une avancée majeure. A partir de l’étude du spectre d’un gaz et de
ses raies, il devenait possible de déterminer sa composition. Ainsi, par
exemple, si le spectre d’un gaz inconnu présentait les deux raies jaunes
ci-dessus, ce gaz devait contenir du sodium. Il devenait donc possible, grâce à
l’analyse spectrale, de déterminer la composition chimique d’un corps à
distance, ce qui constituait une possibilité inespérée pour l’étude des corps
célestes.
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