La
lentille gravitationnelle
D’après la relativité
générale, une distribution de masse dévie les rayons lumineux qui passent à
proximité. Dans le cas d’une étoile, les effets restent limités car la masse en
jeu est relativement faible. Mais les effets peuvent devenir importants et
visibles si la masse qui perturbe la lumière est très grande, par exemple dans
le cas d’une galaxie ou d’un amas de galaxies.
Les lentilles
gravitationnelles
Imaginons qu’une
galaxie proche et un quasar lointain
se trouvent par hasard alignés sur une même ligne de visée dans la même
direction du ciel. La lumière qui nous provient du quasar est alors fortement
déviée lors de son passage près de la galaxie. Ainsi, les rayons lumineux du
quasar qui passent légèrement au-dessus de la galaxie sont déviés vers le bas
et donnent lieu à une image du quasar décalée vers le haut. Par contre, les
rayons lumineux qui passent sous la galaxie sont déviés vers le haut et donnent
naissance à une image du quasar décalée vers le bas.
De cette façon,
la galaxie proche, en perturbant la propagation de la lumière du quasar, donne
naissance à plusieurs images de celui-ci. Le nombre total d’images est
déterminé par la forme de la galaxie et la précision de l’alignement. Parfois, lorsque
l’alignement entre les deux corps est parfait, l’image de l’objet lointain peut
prendre la forme d’un anneau lumineux entourant l’image de l’objet proche.
En plus de
multiplier les images du quasar, la galaxie va également concentrer ses rayons
lumineux et donc produire des images plus brillantes. Un effet qui est loin
d’être négligeable pour l’astronome qui essaye d’observer des corps très peu
lumineux.
Un anneau d’Einstein
dans le système B1938+666. L’image du haut a été prise dans l’infrarouge par le
télescope spatial. Le point lumineux au centre est la galaxie relativement
proche qui provoque l’effet de lentille gravitationnelle. L’anneau tout autour
est une image déformée d’une galaxie plus lointaine. L’anneau n’est pas complet
car les deux galaxies ne sont pas parfaitement alignées. L’image du bas est le
même objet observé dans le domaine radio par le réseau de 6 radiotélescopes
MERLIN en Grande-Bretagne. Sur cette image, on aperçoit très bien l’anneau,
mais la galaxie proche n’est pas visible car elle n’émet pas dans le domaine
radio. Crédit : MERLIN/PPARC/NASA/STScI
Les premières
observations
Cette conséquence
de la relativité
générale fut prévue par Albert Einstein lui-même en 1915 et le
terme de lentille gravitationnelle fut utilisé pour la première fois par le
physicien britannique Oliver Lodge en 1919. L’idée que les amas de
galaxies puissent agir comme des lentilles gravitationnelles fut proposée en
1937 par l’astronome suisse Fritz Zwicky.
Néanmoins, il
fallut attendre 1979 pour que le premier exemple réel soit observé. Cette
année-là, les astronomes découvrirent deux quasars très proches dans le ciel.
Après analyse, les spectres des deux objets se révélèrent pratiquement
identiques depuis les ondes radio jusqu’aux rayons X. Il ne
pouvait s’agir que de deux images d’un seul et même quasar, plus tard baptisé
Q0956+561. Des observations ultérieures le confirmèrent et montrèrent que la
lentille gravitationnelle était dans ce cas constituée par une galaxie elliptique géante quatre
fois plus proche de nous que le quasar. Depuis cette époque, de nombreuses
images multiples de quasars ont été découvertes.
Les arcs
Lorsque l’objet
le plus éloigné est ponctuel, c’est une simple multiplication des images qui se
produit. Lorsque l’objet est étendu, par exemple une galaxie lointaine,
les images sont en plus déformées et ressemblent à des arcs lumineux. De
nombreux cas de ce genre ont été observés, contenant parfois quelques arcs,
parfois plusieurs dizaines. En 1995, par exemple, le télescope spatial révéla
l’exemple très impressionnant de l’amas de galaxies Abel 2218 qui produit des
images multiples de toute une population de galaxies lointaines et donne
naissance à plus de 120 arcs lumineux.
Une vue de l’amas de
galaxies Abell 2218 à environ 2 milliards d’années-lumière dans la
constellation du dragon. Les traînées en forme d’arcs sont des illusions
optiques créées par le champ gravitationnel de l’amas qui dévie la lumière de
galaxies encore beaucoup plus lointaines. Crédit :NASA/STScI
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