L’ère
inflationnaire
Au temps 10-43 seconde,
la gravitation, qui était jusque là unifiée aux trois autres interactions, se
dissocie, c’est la fin de l’ère
de Planck. L’Univers est dans un état de vide quantique. La matière
ordinaire n’existe pas, mais il y a une formidable agitation due à la création
et à la disparition de particules et d’antiparticules virtuelles.
Si ce n’est cette
fantastique agitation, rien de notable ne se passe jusqu’au temps 10-35 seconde,
lorsque sonne l’heure de la dissociation des interactions forte et électrofaible.
C’est à ce moment que va commencer une phase cruciale du Big Bang, l’ère
inflationnaire, pendant laquelle la taille de l’Univers va être multipliée par
un facteur gigantesque.
Le concept de
période inflationnaire est relativement récent. Il fut d’abord imaginé au début
des années 1980 par l’Américain Alan Guth, puis développé par d’autres
astrophysiciens, en particulier le Russe Andrei Linde. L’inflation reste la partie
la plus spéculative de notre description du Big Bang. Cela dit, cette théorie
répond de façon satisfaisante à deux problèmes cosmologiques, l’homogénéité et la platitude de l’Univers, qui n’avaient pas
trouvé de solution jusque là.
Une transition de
phase
Pour comprendre
ce qui se passe, commençons par une analogie. Le comportement de l’Univers
lorsque l’inflation se déclenche rappelle celui de l’eau qui se solidifie et se
transforme en glace.
Les deux états,
eau liquide et glace, ont des propriétés très différentes. Par exemple, sous sa
forme liquide l’eau n’a pas de structure et prend la forme du récipient qui la
contient, alors que sous sa forme solide elle devient un cristal, un
arrangement très régulier de molécules. Une autre différence apparaît au niveau
de la symétrie : l’eau liquide à des propriétés identiques dans toutes les
directions, alors que la glace privilégie les axes de cristallisation.
Dans le langage
du physicien, l’eau liquide et la glace sont deux phases différentes et la
transformation de l’une en l’autre s’appelle une transition de phase. Dans des
conditions de refroidissement habituelles, la cristallisation se produit dès
que la température atteint zéro degré Celsius. Elle se produit alors en
douceur, avec un lent dégagement d’une certaine quantité d’énergie appelée
chaleur latente.
Il existe
cependant un cas particulier appelé la surfusion dans lequel les choses se
passent différemment. Dans un environnement extrêmement stable, une eau très
pure peut être refroidie et atteindre une température négative sans pour autant
se solidifier. Cette situation est cependant très instable et il suffit
d’agiter légèrement l’eau pour que la cristallisation s’opère instantanément
avec une libération de chaleur latente très rapide.
Une transition de
phase dans l’Univers
Le phénomène qui
se produit lorsque l’Univers est âgé de 10-35 seconde est similaire. C’est
à cette époque que les forces forte et électrofaible jusque là unifiées se
dissocient. On passe d’une situation symétrique où les deux forces étaient une
à une situation asymétrique où elles sont différentes. L’Univers subit donc,
comme l’eau qui se solidifie, une transition de phase.
Cette transition
de phase devrait s’opérer immédiatement, mais l’Univers va d’abord passer par
un stade de surfusion. Il va rester pendant une brève période dans une phase
symétrique instable, appelée le faux vide, plutôt que d’adopter tout de suite
la phase asymétrique stable, le vrai vide.
Une grande
densité d’énergie
Le faux vide, un
état équivalent à l’eau surfondue, se caractérise essentiellement par la
présence d’une très grande densité d’énergie en tout point de l’Univers, ce qui
va avoir un effet crucial sur son évolution. En effet, d’après la relativité
générale, cette énergie omniprésente va se traduire par une force de
répulsion extrêmement puissante. L’Univers subit en conséquence une expansion
rapide et brutale à laquelle on a donné le nom d’inflation.
Cette expansion
dure jusqu’à ce que l’Univers subisse finalement sa transition de phase. Il
atteint alors un état stable, tout en libérant une formidable quantité
d’énergie. Cela se produit à une époque qui n’est pas encore bien définie,
disons vers 10-32 seconde.
Une inflation
prodigieuse
Pendant l’ère
inflationnaire, la taille de l’Univers a été multipliée par un facteur 1026 (donc
1078 en volume), ce qui est énorme comparé au rythme actuel de
l’expansion. Depuis l’apparition des atomes, vers l’âge de 300.000 ans, la
taille de l’Univers observable n’a été multipliée que par un facteur mille en
13,7 milliards d’années.
Remarquons encore
que même si l’inflation se produit à un rythme prodigieux, elle ne transgresse
pas la relativité restreinte qui énonce que
rien ne se déplace plus vite que la lumière. En effet, c’est l’espace lui-même
qui subit l’inflation. La distance entre deux particules augmente à un rythme
débridé du fait de l’expansion de l’espace. Par rapport à l’espace lui-même
comme point de référence, la vitesse des particules devrait toujours être
inférieure à celle de la lumière.
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