Les
fluctuations primordiales de densité
L’époque de la recombinaison marque
la fin de l’ère du rayonnement et le début de l’ère de la matière. L’évolution
de l’Univers n’est cependant pas terminée. En effet, lors du découplage entre
rayonnement et matière, l’Univers est très homogène, sa densité de matière et
d’énergie est plus ou moins la même partout.
Or, de nos jours,
les télescopes nous révèlent que l’Univers est très structuré : la matière se
regroupe dans des galaxies qui s’assemblent
pour former des amas eux-mêmes agencés en superamas. Le
problème se pose donc de savoir comment, à partir d’un Univers homogène, toutes
ces structures ont pu apparaître.
La minuscule
anisotropie du rayonnement fossile
La question de la
formation des structures de l’Univers connut une avancée majeure en 1992 grâce
aux observations du satellite COBE qui furent confirmées en 2003 par le
satellite WMAP. La mission de COBE était d’étudier le rayonnement fossile, en
particulier la façon dont son intensité variait selon la direction dans le
ciel.
COBE mit d’abord
en évidence que le rayonnement fossile était d’une très grande isotropie,
c’est-à-dire que son intensité était la même dans toutes les directions du
ciel, un phénomène que le scénario inflationnaire pouvait très bien
expliquer.
Cependant, une
analyse plus poussée des résultats montra que le rayonnement n’était pas
strictement isotrope, mais présentait des variations minuscules, de l’ordre
de une pour 100.000. Ces fluctuations montraient que la température du
rayonnement fossile n’était pas rigoureusement la même dans toutes les
directions du ciel, mais variait très légèrement autour de la valeur moyenne de
2,725 degrés au-dessus du zéro absolu.
Les minuscules
fluctuations vues par le satellite COBE en 1992 (après correction du mouvement
du système solaire et des émissions de la Galaxie). Les zones bleues et rouges
sont des fluctuations infimes (de l’ordre du cent-millième) de la température
du rayonnement fossile dans différentes directions du ciel. Crédit : NASA/LAMBDA
Des fluctuations
de température donc de densité
Les variations de
température dans le rayonnement fossile fournissaient la preuve qu’il existait
déjà des inhomogénéités dans la répartition de matière de l’Univers lors du découplage entre rayonnement
et matière.
En effet,
lorsqu’un rayon lumineux s’éloigne d’une forte concentration de masse, il perd
une légère fraction de son énergie et se trouve donc décalé vers le rouge.
C’est ainsi que des inhomogénéités dans la distribution de matière ont provoqué
les fluctuations de température du rayonnement fossile. Les photons qui
proviennent des régions où la densité de matière était légèrement supérieure à
la moyenne ont perdu plus d’énergie et le rayonnement paraît ainsi un peu plus
froid. Au contraire, la lumière des régions moins denses a été moins affectée
que la moyenne et sa température semble donc légèrement plus élevée.
Une vue détaillée
des fluctuations de température mesurées par le satellite WMAP en 2003. Ces
fluctuations de l’ordre du cent-millième sont des indicateurs des variations de
la densité de l’Univers qui ont donné naissance aux structures que nous
observons actuellement. Crédit : WMAP/NASA
L’origine des
structures de l’Univers
Ces fluctuations
de densité primordiales sont à l’origine des structures de l’Univers actuel. En
effet, pour accomplir son travail, la gravité a besoin d’un point de départ.
Dans un Univers parfaitement homogène, aucune structure n’apparaîtrait car la
gravité ne saurait pas par où commencer. Ce sont les fluctuations primordiales
de densité qui jouent le rôle de point de départ.
Grâce à ces
fluctuations, la concentration de matière est légèrement supérieure à la
moyenne dans certaines régions de l’Univers. Le tour est alors joué et il
suffit de laisser la gravitation agir.
Les zones à plus haute densité vont
commencer à attirer de plus en plus de matière alors que les zones à plus
faible densité vont en perdre. Avec le temps, la différence de densité entre
régions riches et pauvres en matière va s’accentuer. On aboutit finalement à un
Univers comme le nôtre, dans lequel la masse est concentrée dans des galaxies,
des amas et des superamas, le reste étant presque vide.
L’origine
quantique des fluctuations de densité
La question qui
se pose est de savoir quelle est l’origine de ces fluctuations. Une fois de
plus, la solution va nous être apportée par l’inflation.
Rappelons que cette dernière était due à la présence dans l’Univers
d’une formidable quantité d’énergie. Mais, comme nous l’apprend la mécanique
quantique, l’énergie est soumise au principe d’incertitude et connaît en
conséquence des fluctuations. L’énergie présente dans l’Univers lors de l’ère
inflationnaire était donc soumise à des fluctuations d’origine quantique.
L’effet principal
de l’inflation a été de multiplier la dimension de l’Univers par un facteur
immense. Les fluctuations d’énergie, d’abord microscopiques, ont donc elles
aussi été démultipliées en taille. A la fin de l’ère inflationnaire, ces
fluctuations ont atteint une échelle colossale. Lorsque l’énergie a
finalement été libérée pour donner naissance à la matière,
les fluctuations d’énergie ont conduit à de légères variations de la densité de
matière. Ainsi sont nées les inhomogénéités primordiales qui conduiront aux structures actuelles de
l’Univers.
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