La
fin de l’espace absolu
Jusqu’au début du
XXe siècle, la perception que les physiciens avaient de l’espace et du
temps était basée sur celle d’Isaac Newton. Il devait exister un espace absolu,
rigide et immuable, un cadre de référence par rapport auquel on pouvait définir
de façon absolue le mouvement d’un corps. Il devait également exister un temps
absolu et universel, s’écoulant de façon uniforme et indépendant de toute
influence extérieure.
Au XIXe siècle,
avec les progrès dans la compréhension de l’électromagnétisme, un autre concept lié aux
précédents fit son apparition. Il s’agissait de l’éther, une sorte de milieu
immatériel qui était supposé servir de support à la propagation des ondes
lumineuses et qui devait être fixe dans l’espace absolu. La question qui
intéressait alors les physiciens était de savoir si la Terre était au repos ou
en mouvement par rapport à l’éther et à l’espace absolu.
L’aberration
Une première
réponse fut apportée par l’observation d’un phénomène appelé l’aberration.
Observée depuis la Terre, toute étoile semble parcourir chaque année une petite
ellipse dans le ciel, ceci indépendamment de la parallaxe. Cette variation fut
interprétée par l’astronome anglais James Bradley en 1729 comme le résultat du
mouvement de la Terre sur son orbite combiné au fait que la vitesse de la
lumière est finie.
Un phénomène
analogue se produit lorsque vous vous déplacez sous la pluie. En supposant
qu’il n’y a pas de vent, la pluie tombe verticalement. C’est bien ce que vous
observez si vous restez immobile. Mais ce n’est plus le cas si vous vous mettez
à courir. Bien que la pluie continue à tomber verticalement, la vitesse vous
donne l’impression que la pluie tombe en biais, un effet d’autant plus marqué
que vous vous déplacez vite.
Le phénomène est
le même pour la Terre. Du fait de la vitesse de déplacement de notre planète
autour de Soleil, la direction apparente des rayons lumineux est légèrement
deviée. Comme le mouvement de révolution de la Terre est périodique, ces
variations le sont également. Ainsi la position apparente d’une étoile, qui
dépend de la direction de propagation de la lumière, parcourt une petite
ellipse en une année.
Cette
interprétation repose clairement sur l’hypothèse que la Terre se déplace. Pour
les physiciens de la fin du siècle dernier, le fait que l’aberration ait été
observée prouvait donc que la Terre devait être en mouvement par rapport à
l’éther, le présumé support des ondes lumineuses.
L’expérience de
Michelson
Une fois ce point
démontré, l’étape suivante consistait à mesurer la vitesse de la Terre par
rapport à l’éther. La contribution majeure fut le fait du physicien américain
Albert Michelson, qui développa un instrument pour effectuer cette mesure. Ce
système, appelé un interféromètre, était constitué d’une source de lumière et
d’un jeu de miroirs.
Il fonctionnait
de la manière suivante : un rayon lumineux à fréquence bien déterminée entrait
dans l’instrument et était divisé en deux. Les deux faisceaux lumineux ainsi
créés se propageaient dans des directions perpendiculaires, avant d’être
réfléchis et finalement recombinés en un rayon unique. L’analyse de ce dernier
montrait comment les deux faisceaux s’étaient comportés lorsqu’ils étaient
séparés.
L’interféromètre
pouvait mettre en évidence une possible différence entre la propagation de la
lumière suivant les deux directions perpendiculaires. Or, si la Terre était en
mouvement par rapport à l’éther, la direction de propagation parallèle à ce
déplacement était privilégiée. Les deux faisceaux lumineux devaient donc se
comporter différemment et l’instrument de Michelson était en mesure de le
montrer. L’expérience eut lieu en 1887 et montra que l’effet attendu ne se
produisait pas.
Si l’éther
existait, la Terre devait y être fixe. Exactement l’inverse de ce que
l’aberration avait montré. Le concept d’éther aboutissait donc à une impasse.
La Terre ne pouvait pas être à la fois en mouvement et fixe par rapport à lui.
La seule conclusion possible était que l’éther, donc l’espace absolu,
n’existaient pas. Ce qui signifiait également qu’il fallait revoir la physique
newtonienne puisqu’elle reposait sur cette hypothèse.
La relativité
Plusieurs
tentatives de révision furent faites après l’expérience de Michelson mais elles
n’allaient pas assez loin dans le renouvellement des concepts de base. Il
fallut attendre qu’un jeune physicien allemand, Albert Einstein, apporte une
vision totalement nouvelle des choses.
Ceci se fit en
deux temps. D’abord, en 1905, Einstein présenta sa théorie de la relativité restreinte qui
révolutionnait notre vision de l’espace et du temps, mettait en évidence
l’interdépendance des deux notions et éliminait l’idée d’absolu dans ces
concepts. Ensuite, en 1915, il publia sa théorie de la relativité générale qui complétait la
précédente en traitant des effets de l’accélération et de la gravité et allait
encore plus loin dans la remise en cause de la physique de Newton.
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