L’énigme
des sursauts gamma
Les sursauts
gamma (gamma ray bursts ou GRB en anglais) sont l’un des grands sujets d’étude
de l’astrophysique contemporaine. Bien que l’existence de ces émissions soit
connue depuis les années 1960, leur nature exacte reste encore un sujet de
recherche. Jusque dans les années 1990 les astrophysiciens ne savaient même pas
si la source des sursauts se trouvait dans le système solaire, dans la Voie
Lactée ou dans des galaxies lointaines.
Ces sursauts sont
tout simplement de brèves émissions de rayons gamma d’une durée comprise entre
quelques millisecondes et plusieurs minutes. Rappelons que les rayons gamma
sont des photons très énergétiques produits par exemple sur Terre lors de
réactions nucléaires. S’il était possible de surveiller en permanence
l’ensemble du ciel, on observerait en moyenne un sursaut gamma par jour
provenant d’une direction quelconque de la voûte céleste.
Une puissance
extraordinaire
Leur
caractéristique la plus intéressante est l’énergie mise en jeu. Si les sursauts
trouvent leur origine dans des galaxies lointaines, ce qui a été prouvé pour
certains d’entre eux, l’énergie émise par leur source doit être prodigieuse,
des centaines de fois plus grande que celle générée par une supernova.
Cette puissance
extraordinaire explique l’intérêt que la communauté astronomique porte aux
sursauts gamma, puisqu’ils pourraient révéler de nouveaux processus mettant en
jeu les étoiles à neutrons, les trous noirs ou les hypernovae, voire des
phénomènes astrophysiques inconnus à ce jour.
Le sursaut GRB
021125 observé dans les rayons gamma par le satellite Integral de l’ESA. La
source de ce sursaut se trouve à cinq milliards d’années-lumière de nous.
Crédit : IBIS/ESA/ECF
La découverte
Les sursauts
gamma furent découverts par hasard en 1967 par des satellites américains mis on
orbite pour surveiller l’application du traité d’interdiction des essais
nucléaires par l’union soviétique. Ces satellites ne révélèrent aucune
violation du traité, mais détectèrent des émissions sporadiques de rayons
gamma, de courte durée et d’origine inconnue.
Il devint
rapidement clair que ces sursauts provenaient de l’espace plutôt que de la
Terre, mais les détecteurs de l’époque étaient incapables de mesurer précisément
leur direction d’origine. Le manque de contraintes observationnelles conduisit
à des théories très diverses, mettant par exemple en jeu les étoiles à neutrons
de la Voie Lactée, le nuage d’Oort entourant
le système solaire, ou bien des sources dans les galaxies lointaines.
Le satellite
Compton
La première
avancée expérimentale provint d’observation dans les rayons X au début des
années 1990 par le satellite américain Compton (CGRO). Ce dernier emportait
avec lui un instrument baptisé BATSE capable de surveiller simultanément une
grande partie du ciel et de fournir une direction précise en cas de détection.
L’observatoire Compton fut ainsi en mesure de déterminer la position de
plusieurs centaines de sursauts et de démontrer que leurs sources se
répartissaient de manière aléatoire sur toute la voûte céleste.
Or, si les
sursauts provenaient principalement de notre Galaxie, ils ne seraient pas
distribués uniformément dans le ciel, mais concentrés dans la même bande
étroite que la Voie Lactée. L’explication préférée de l’époque, par des
phénomènes à la surface des étoiles à neutrons de notre Galaxie, n’était donc
plus plausible.
Distribution dans le
ciel des sursauts gamma détectés par l’instrument BATSE du satellite Compton.
On voit clairement que les sursauts proviennent de toutes les directions du
ciel, ce qui élimine les théories expliquant ce phénomène par des corps appartenant
à la Voie Lactée (notre Galaxie). Crédit : BATSE/CGRO/NASA
La rémanence
La fin des années
1990 vit un autre progrès décisif lors qu’il apparut que les sursauts gamma
pouvaient être suivis par une émission de lumière dans d’autres longueurs
d’onde, un phénomène appelé rémanence. Cette découverte fut faite en 1997 par
le satellite italien BeppoSAX lors de l’observation du sursaut GRB 970228 dans
les rayons X.
Il s’agissait
d’une avancée fondamentale car elle ouvrait la voie à l’observation par de
nouveaux outils, en particulier la spectroscopie.
Celle-ci fut rapidement mise à contribution pour mesurer le décalage vers le
rouge de la lumière rémanente, qui révéla que la source devait se trouver dans
une galaxie située à des milliards d’années-lumière.
En observant le
même sursaut avec le télescope William Herschel, une autre équipe révéla
l’existence d’une rémanence dans le domaine visible. Cette nouvelle
caractéristique permettait dorénavant aux grands télescopes terrestres et au
télescope spatial de se joindre aux observations, en particulier dans
l’identification des galaxies contenant leur source, ce qui allait permettre de
grandes avancées dans notre compréhension de l’origine des sursauts gamma.
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