Les
détecteurs de matière noire exotique
Si les objets
sombres de nature baryonique sont
difficiles à observer, la tâche est encore plus ardue lorsqu’il s’agit de
détecter les particules qui pourraient composer la matière noire exotique.
Les neutrinos
Le neutrino est une
particule dépourvue de charge électrique et de masse très faible. La
probabilité de réaction entre un neutrino et une particule ordinaire est
extrêmement faible. Le seul moyen d’en capturer est donc d’augmenter les
chances de rencontre en construisant un détecteur contenant une énorme quantité
de particules ordinaires.
Ceci fut tenté
pour la première fois en 1967 dans une mine d’or à Homestake dans le Dakota du
Sud. Le détecteur consistait en une cuve contenant 400.000 litres d’une
substance chlorée. Même si l’immense majorité des neutrinos passait sans
problème à travers la cuve, il arrivait que l’un d’eux interagisse avec un
noyau de chlore. Celui-ci se transformait alors en un noyau d’argon qui à son
tour se désintégrait rapidement. C’est le résultat de cette désintégration qui
pouvait être facilement détecté et révéler la capture d’un neutrino.
Depuis cette
époque, d’autres détecteurs ont été construits, basés soit sur un principe
similaire, soit sur la détection de l’effet Cerenkov (l’équivalent pour la
lumière de l’onde de choc d’un avion qui passe le mur du son). Ces détecteurs
sont tous placés dans des zones souterraines pour réduire au maximum
l’interférence des rayonnements cosmiques qui risquerait de fausser les
résultats.
On peut citer en
particulier l’expérience Gallex opérationnelle entre 1991 et 1997 dans le
tunnel de Gran Sasso en Italie avec 30 tonnes de gallium en solution,
l’observatoire de Sudbury au Canada qui a fonctionné entre 1999 et 2006 avec
1000 tonnes d’eau lourde et le détecteur Super-Kamiokande à Kamioka au
Japon en opération depuis 1996 avec 50.000 tonnes d’eau.
Plus récents et plus
exotiques encore, on trouve le réseau AMANDA (devenu le télescope IceCube
en 2005) au pôle sud géographique avec des détecteurs placés sous plus de 800
mètres de glace depuis 1993 et le projet ANTARES aves des détecteurs placés au
large de Toulon sous 2500 mètres d’eau depuis 2008.
Ces détecteurs
ont confirmé la masse non nulle du neutrino mais
n’ont pas pu mesurer cette masse et le problème de la contribution des
neutrinos à la densité de l’Univers n’est toujours pas résolu définitivement.
Les expériences indiquent néanmoins que la masse du neutrino est trop
faible pour que cette particule ait un impact significatif sur la matière
noire.
Le détecteur de
l’observatoire de neutrinos de Sudbury au Canada pendant sa construction. Cet
observatoire a été opérationnel entre 1999 et 2006. Crédit : Ernest Orlando/LBNL/SNO
Les particules
massives à faible interaction
Les particules massives à faible
interaction (WIMP en anglais) sont hypothétiques et n’ont jamais été
observées de façon certaine à ce jour. Capturer ces particules n’est pas une
mince affaire mais de nombreux projets ont néanmoins vu le jour.
On peut citer en
particulier l’expérience DAMA/LIBRA dans le tunnel de Gran Sasso depuis 2003
(anciennement DAMA/NaI entre 1996 et 2002), la collaboration CRESST dans
le même laboratoire depuis 2003, le projet CDMS dans une mine de fer du
Minnesota depuis 2003, l’expérience CoGeNT dans le même site depuis 2009 et
l’expérience EDELWEISS dans le tunnel routier du Fréjus depuis 2006.
Ces projets
s’appuient sur le fait que même si l’interaction de ces particules avec la
matière ordinaire est très faible, elle existe et il doit être possible de la
mettre en évidence. En guise d’exemple, le détecteur de l’expérience CDMS est
constitué d’un gros cristal de germanium refroidi à quelques millièmes de
degrés du zéro absolu pour faire disparaître toute agitation thermique. Du fait
du mouvement de la Terre par rapport au halo de matière non baryonique,
une multitude de particules massives à faible interaction traversent le
détecteur chaque seconde. Il arrive, très rarement, que l’une d’entre elles
interagisse avec un noyau de germanium.
Cette particule
introduit alors une quantité infime d’énergie dans le détecteur et y crée une
très faible ionisation. En mesurant en permanence la température et la charge
électrique du cristal, il est théoriquement possible d’observer le phénomène,
donc de détecter les particules exotiques.
Le nombre de détections est
évidemment très limité, en théorie de l’ordre d’une tous les 10 jours pour un
détecteur d’un kilogramme. Notons que les signaux parasites dus à d’autres
particules peuvent être détectés en analysant soigneusement la quantité
d’énergie déposée et la charge électrique créée.
Les expériences
DAMA/LIBRA, CRESST et CoGeNT ont toutes les trois annoncé des détections
positives mais, étant donné la complexité de ces expériences, le risque de
fausse alerte et le manque de concordance entre les différentes mesures, aucun
consensus sur la validité de ces détections n’a pour l’instant été obtenu dans
la communauté scientifique.
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