Les
premières observations de trous noirs supermassifs
Comme pour les trous noirs d’origine stellaire, une observation
directe irréfutable d’un trou noir supermassif est impossible du fait de
la nature même de ces corps. Les astronomes essayent donc d’obtenir une preuve
indirecte, en cherchant à détecter l’effet du trou noir supermassif sur son
environnement.
Les premières
tentatives fructueuses en ce sens furent accomplies au début des années 1990.
Des images des régions centrales de certaines galaxies, en particulier celle
d’Andromède, montrèrent que le nombre d’étoiles augmentait fortement lorsque
l’on se rapprochait du centre. Ceci pouvait s’interpréter comme le résultat de
la présence d’un corps extrêmement compact, dont la gravité attirait et
concentrait les étoiles. Ces observations constituaient un premier pas dans la
bonne direction, mais leur précision n’était pas suffisante pour les rendre
irréfutables.
Les observations
de M87
La véritable
percée eut lieu en 1994 grâce au télescope spatial Hubble. Celui-ci s’intéressa
à M87, une galaxie elliptique géante située
à 50 millions d’années-lumière et connue depuis longtemps pour posséder un noyau actif et
des jets lumineux. Grâce à sa haute résolution angulaire, c’est à
dire sa capacité à voir des détails très fins, le télescope spatial fut en
mesure d’observer le disque de gaz entourant le trou noir
central. En s’appuyant sur l’analyse spectrale et sur l’effet
Doppler, il réussit également à mettre en évidence la rotation du disque.
Les observations
montrèrent que la vitesse de rotation du disque augmentait régulièrement
lorsque l’on se rapprochait du centre, et atteignait une valeur de 550
kilomètres par seconde. A partir de ce résultat, il fut possible de déterminer
la masse du corps central. En effet, plus la vitesse du disque est rapide, plus
la gravité et la masse de l’objet central doivent être fortes pour être en
mesure de contrecarrer l’effet de la force centrifuge. L’application de cette
méthode montra que l’objet central devait avoir environ 2,4 milliards de masses
solaires.
En même temps,
les observations montraient que cette masse énorme devait être concentrée dans
un espace extrêmement réduit, probablement de taille comparable à celle du
système solaire. Il était de plus clair que le nombre d’étoiles observées dans
la région était bien trop faible pour être à l’origine de cette masse. Il y
avait donc au centre de M87 un objet très petit, extrêmement massif et non
stellaire. Il s’agissait exactement des propriétés que l’on pouvait attendre
d’un trou noir supermassif.
Ces observations
constituaient donc un argument très fort en faveur de l’existence de ces corps.
Bien sûr, elles ne constituaient pas une véritable preuve puisque l’objet
central n’était pas observable. Cependant, l’hypothèse du trou noir était la
plus conservatrice et toute autre interprétation devait faire appel à un corps encore
plus étrange.
La galaxie
elliptique géante Messier 87, située à 50 millions d’années-lumière, possède en
son sein un noyau actif. La galaxie elle-même contient surtout de vieilles
étoiles relativement froides et semble donc rouge. En bleu apparaît un jet très
énergétique d’électrons et autres particules. Ce jet est issu du noyau et émet
surtout dans le bleu et l’ultraviolet. Crédit : NASA/STScI
Les observations
de M106 (NGC4258)
La deuxième
confirmation vint la même année, cette fois-ci grâce à des observations dans le
domaine radio. L’objet étudié était NGC4258, une galaxie spirale située à
environ 25 millions d’années-lumière, connue pour présenter des jets de
matière. Cette galaxie fut observée à l’aide du VLBA, un réseau de 10 antennes radios réparties sur
le territoire des États-Unis et travaillant simultanément pour donner des
images à très haute résolution. La cible du VLBA était là encore le disque de
matière en rotation autour de l’objet central. Par contre, les observations se
concentraient sur le rayonnement maser du disque, l’équivalent du rayonnement
laser optique pour les ondes radio.
Les observations
mirent en évidence que la vitesse de rotation augmentait lorsque l’on se
rapprochait du centre et pouvait atteindre une valeur de 1000 kilomètres par
seconde. Avec ces valeurs, la masse de l’objet central était estimée à 40
millions de fois celle du Soleil et sa densité devait être dix
mille fois supérieure à celle d’un amas d’étoiles normal. L’interprétation
la plus raisonnable était encore la présence d’un trou noir supermassif au
centre de NGC4258.
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