Un
trou noir historique : Cygnus X-1
Le trou noir est
probablement l’astre le plus étrange de l’Univers. La question suivante est
donc bien légitime : un tel objet existe-t-il vraiment ou bien ne s’agit-il que
du produit de l’imagination débridée des théoriciens ?
Une observation
indirecte
Répondre à cette
question pose une difficulté de fond puisque, par définition, un trou noir est
invisible car aucun rayonnement ne peut s’en échapper. Il est par conséquent
impossible d’obtenir une photographie directe. La solution va consister à
essayer de détecter la présence d’un trou noir indirectement, par les effets
qu’il produit sur un autre corps.
De très
nombreuses étoiles ne sont pas isolées mais font partie d’un couple
stellaire. Lorsque l’un des membres du couple est une naine blanche ou une étoile à neutrons, un transfert de masse
peut se mettre en place et produire des phénomènes comme les novae ou certains types de supernovae.
Si l’une des
étoiles est un trou noir, des processus similaires peuvent se produire. De la
masse est transférée, un disque d’accrétion se forme, les températures
atteignent des valeurs extrêmes et de grandes quantités de rayons X sont
émises. Ceci nous fournit un moyen de détecter de possibles trous noirs : il
suffit tout simplement de trouver des sources de rayons X dans des étoiles
binaires.
Le problème,
évidemment, réside dans le fait que les étoiles à neutrons peuvent également
produire des rayons X en grand nombre. Il est donc crucial de pouvoir
déterminer avec certitude si une source est bel et bien un trou noir. Un
moyen simple pour cela est d’arriver à déterminer la masse du corps qui émet
les rayons X.
En effet, l’étude
théorique des étoiles à neutrons a montré que leur masse maximale était
d’environ trois fois celle du Soleil. Si une source de rayons X se révèle
posséder plus de trois masses solaires, il est légitime de penser qu’il ne
s’agit pas d’une étoile à neutrons, mais bien d’un trou noir.
Le premier
candidat : Cygnus X-1
Le premier
candidat fut découvert au début des années 1970 par le satellite Uhuru
observant dans les rayons X. Celui-ci détecta dans la constellation du Cygne
une source très intense à laquelle on donna le nom de Cygnus X-1.
Le trou noir présumé
Cygnus X-1 observé en 2002 dans les rayons X par le satellite européen
Integral. Cygnus X-1 semble très isolé sur cette image car les étoiles proches
sont toutes normales et n’émettent pas dans ce domaine de longueur d’onde.
Cygnus X-1 n’est pas un corps isolé mais fait partie d’un système double avec
une supergéante bleue appelée HDE 226868. C’est le gaz arraché de cette
supergéante qui émet des rayons X en allant se perdre dans le trou noir. Crédit
: ESA/JEM-X/ECF
En plus de sa
puissance, le rayonnement de cet objet avait la particularité de présenter des
variations extrêmement rapides, parfois en des temps de quelques millisecondes.
Ces fluctuations très rapides montraient que la source devait être très petite.
En effet, pour
qu’un processus puisse faire varier la luminosité d’un corps de façon notable,
il doit affecter l’objet globalement. Ceci signifie qu’il y a nécessairement un
échange d’information entre toutes les parties du corps. Or, ces échanges ne se
font pas instantanément, mais au mieux à la vitesse de la lumière, comme nous
l’apprend la relativité restreinte.
Si la lumière
mettait une année pour traverser un corps, celui-ci ne pourrait pas présenter
des variations notables à l’échelle d’une journée. Ainsi, les fluctuations très
rapides de l’intensité de Cygnus X-1 prouvaient que ce corps devait être très
petit, d’une taille de l’ordre de quelques centaines de kilomètres.
Des observations
plus poussées
Les observations
dans les rayons X ne permirent pas de déterminer précisément la position de
Cygnus X-1 dans le ciel. Il fallut attendre 1972 pour que des radioastronomes y
parviennent. Il apparut alors que la source Cygnus X-1 devait être liée, d’une
façon ou d’une autre, à une étoile plus normale située à 6 000
années-lumière de nous, HDE226868, qui ne pouvait pas être elle-même la source
des rayons X.
L’analyse
spectrale de HDE226868 révéla un va-et-vient périodique des raies de
l’étoile qui montrait qu’elle devait être en orbite autour d’un autre corps. La
conclusion était simple : HDE226868 avait un compagnon, Cygnus X-1, trop
peu lumineux pour être observable dans le visible mais qui attirait la matière
de l’étoile et devenait ainsi une source de rayons X.
Ce compagnon
était-il un trou noir ou une étoile à neutrons ? Grâce à la relation entre masse et luminosité des étoiles, les
astrophysiciens savaient que l’étoile HDE226868, de type B, contenait 30 masses
solaires. Ils connaissaient également, grâce à l’analyse du déplacement des
raies, l’amplitude du mouvement périodique de cette étoile.
A partir de ces
données, ils pouvaient déterminer la masse requise pour faire effectuer à une
étoile de 30 masses solaires un tel mouvement : Cygnus X-1 devait être un
corps minuscule d’environ 10 masses solaires, ce qui était clairement au-dessus
de la masse limite pour les étoiles à neutrons. Cygnus X-1 est donc très probablement
un trou noir. Sa masse, sa petite taille et la puissance de son rayonnement X
semblent le démontrer.
Il faut noter
cependant que cela n’est pas absolument sûr. Il reste des incertitudes dans le
calcul de la masse de l’objet. Si le monde est vraiment mal fait et si toutes
les erreurs vont dans le même sens, il se peut que Cygnus X-1 n’ait que trois
masses solaires et soit donc simplement une étoile à neutrons.
D’autres
candidats
Depuis Cygnus
X-1, d’autres candidats d’origine stellaire au titre de trou noir ont été
découverts. Ils présentent tous les mêmes caractéristiques : des émissions
X intenses, rapidement variables, et une masse supérieure à trois fois celle du
Soleil. On peut citer par exemple A0620-00 dans la constellation de la Licorne,
LMC X-1 et LMC X-3 dans le Grand Nuage de Magellan ou V404 Cygni dans la
constellation du Cygne.
Ce dernier
exemple est probablement le plus convaincant puisque la masse minimale du
corps, en tenant compte de toutes les incertitudes, est de six masses solaires,
soit deux fois la masse maximale des étoiles à neutrons.
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